J23 : 8 avril 2020

Le confinement nous fait faire des choses étranges : certains jouent à La Bonne paye, d’autres à Pandémie, certains relisent La Peste, d’autres plongent dans Chez soi, on fait voler de petits drones dans son salon – conclusion : c’est bien la peine de se faire chier à bouleverser le grand dehors si c’est pour faire pareil à la maison.

Mme M. est enfermée toute seule dans son petit appartement, les jardins, les plantes, le vert, tout ça lui manque beaucoup, alors toute la journée, Mme M. fait des fleurs, des visages et des plantes avec du fil de fer, elle tord un peu, elle tord beaucoup, pour peupler l’intérieur, ça finit par faire une drôle de forêt, de drôles de fleurs et des familles de gueules cassées, d’arbres tordus et de corps déhanchés, et ce peuple de pas droit elle l’aime beaucoup Mme M., on fait comme les jeunes, la coloc, elle dit, et elle regarde d’un œil inquiet le fil de fer diminuer.

Les semaines qui passent font se superposer dans nos cerveaux l’idée de « confiné » et de « sécurité », comme pour nous faire oublier que c’est dans ce « chez soi » qu’ont lieu les insécurités, les violences en tout genre et les inégalités, à l’heure d’un désir de pas-comme-avant, on commence à voir poindre la nécessité d’un grand ménage du chez soi : vaste programme que d’apprendre à dilater qui a droit de cité et de qui on prend soin, de quoi occuper les soirées en attendant de pirater la suite du Bureau des légendes.

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