J4 : 20 mars 2020

Les frontières, les contaminés et les prophètes autoritaires apparaissent aussi vite que disparaît le droit d’asile. Dans les aéroports, on confine en Zone d’attente ou on refoule à chaud. Après tout, il faut bien protéger les juges.

Mme M. part lundi en unité de soins intensifs à la Pitié, qui se prépare à devenir une réa, les appels du gouvernement à la dévotion des soignants, elle les trouve répugnants, mais elle ira quand même, elle ajoute : « Hauts les masques et tout ira bien ! ».

Au quatrième jour, on finit par s’y résoudre, les bouteilles se finissent plus vite que les listes de bonnes résolutions.

J3 : 19 mars 2020

Le Coronavirus, Mr C. préfère l’appeler le Chikungunya : il l’aimait bien celui-là, son petit air exotique, ça lui rappelait l’Indochine, du coup il aimerait bien mourir de ça – mais il a beau faire, avec l’hiver, on trouve plus facilement des postillons que des moustiques.

Désormais, le monde se répartit en deux catégories : les confinés et les non-confinés. Pendant que les seconds assurent à leur risques et périls la survie des premiers, les confinés s’enchantent de l’occasion qui leur est donnée de renouer avec leur intériorité, avec le temps libre et avec la lecture. Les seconds pensent aux morts, les premiers aux oiseaux.

Le salut aujourd’hui a le visage du routeur wifi – encore un effort pour la métamorphose.

J2 : 18 mars 2020

Passer dans les rayons de pains de mie, expérience dystopique plus intense qu’un week-end à binge-watcher The Walking dead.

Les mains, lavées minimum 30 secondes, hydroalcoolisées, bichonnées, scrutées comme jamais, commencent déjà à être sèches : succès inespéré des gels désinfectants, succès à venir des crèmes hydratantes.

La campagne aujourd’hui est le refuge pour tous les sceptiques du confinement et le cadre idéal à toutes les transgressions sanitaires puisqu’on y est férocement seul : les promenades à vélo, le découpage du bois, la cueillette des champignons sont requalifiées illico comme hautement subversives.

J1 : 17 mars 2020

Anniversaire ce matin, trente-six balais et pourtant c’est déjà la quarantaine.

Mme H. débarque au petit matin, sans un bonjour ni un salut, l’air hagarde ahurie, et comme dépassée par la situation, elle lâche presque en hurlant : « Du savon ? Vous avez du savon ? », elle a éternué dans sa main.

Amazon va embaucher plus de 100 000 personnes, on promet des paquets autant que des augmentations.

J0 : 16 mars 2020

Désormais, le temps se compte en PQ, en ratio durée de confinement/nombre de rouleaux.

La France se prépare à être peuplée de wanabee thésards en sciences humaines : elle va découvrir la réclusion et l’ennui.

Jamais n’aura été aussi sensible l’origine martiale du mois de mars : nous sommes en guerre x6.